J.L. Brunet (1), F. Fatoohi (2), A. Perret Liaudet (3) and G.J.N. Cozon (2)

  1. Service des Maladies Infectieuses Hôpital de la Croix-Rousse Lyon France
  2. Laboratoire d'Immunologie Hôpital de la Croix-Rousse Lyon France
  3. Laboratoire de Neuro-Chimie Hôpital Neurologique Bron France
Ce travail a pu être réalisé grâce à l'aide des Hospices Civils de Lyon AO95 France et des Laboratoires Boiron de Sainte Foy les Lyon (France).

Remerciements : C. Ghaemmaghami pour son aide (laboratoire de neuro-chimie).

Dr. J.L.Brunet
Service des Maladies Infectieuses
Hôpital de la Croix-Rousse
69317 Lyon Cedex 04 France.
Tel : 33 (0)4 72 07 17 48
Fax : 33 (0)4 72 07 17 50
e-mail : jean.louis.brunet@libertysurf.fr

Résumé

Le syndrome de fatigue chronique ou encéphalopathie myalgique est l'objet de multiples descriptions et de travaux. Sur le plan immunologique, de nombreuses anomalies ont été décrites sans qu'aucune ne soit actuellement caractéristique.

La présente étude montre l'existence d'une réactivité cellulaire de type retardé anormale vis-à-vis de certains antigènes habituels de l'environnement dans pratiquement un cas sur deux.

Ceci peut être mis en évidence par l'intradermoréaction utilisant des antigènes commensaux comme les levures de type Candida albicans associée à la réaction syndromique survenant dans les 6 à 48h suivantes,

Ceci est conforté de façon très significative par la mesure en cytométrie en flux de l'activation des lymphocytes en présence de Candida albicans utilisant les techniques de triple marquage CD3 CD4 CD69 et 25, et par le suivi de la cinétique urinaire de la néoptérine avant et après intradermoréaction.

L'activation cellulaire paraît d'autant plus marquée que l'IDR est plus importante.

Différents facteurs pouvant contribuer à l'état de fatigue ont été mis en évidence chez plusieurs patients, comme notamment des troubles du sommeil, sans qu'il soit évident d'établir une relation de cause à effet dans un sens ou dans l'autre.

Cette étude va dans le sens d'une approche multi-factorielle des syndromes dits de " fatigue chronique ".

Mots clés : syndrome de fatigue chronique , hyper réactivité.

Abstract

Chronic fatigue syndrome or benign myalgic encephalomyelitis has been extensively described and investigated. Although numerous immunological abnormalities have been linked with the syndrome, none have been found to be specific.
This article describes the detection of delayed-type hypersensitive responses to certain common environmental antigens in almost fifty per cent of patients with this syndrome.
Such hypersensitivity can be detected by the intradermal administration of antigens derived from commensal organisms like the yeast Candida albicans, and then monitoring for a systemic reaction over the following six to forty-eight hours.
This approach can be consolidated by performing lymphocyte activation tests in parallel and measuring in vitro T-cell activation by Candida albicans antigens by three-colour flow cytometry based on CD3, CD4 and either CD69 or CD25. Another useful parameter is the kinetics of neopterin excretion in the urine over the course of the skin test.
The results showed that the intensity of the DTH response correlated with the number of T-cells activated in vitro.
Various factors have been implicated in the fatigue of many patients, notably lack of sleep. However, it remains difficult to establish causality in either one direction or the other.
This work is in the spirit of a multifactorial approach to the group of conditions referred to as "chronic fatigue syndrome".

Key-words : chronic fatigue syndrome, hypersensitivity.

Introduction

Le syndrome de fatigue chronique ou encéphalopathie myalgique est l'objet de multiples descriptions dans la presse médicale et les médias. Malgré la multitude des travaux qui lui sont consacrés, la plupart des questions posées à propos des étiologies, du mécanisme, du traitement, voire de la réalité de ce syndrome n'ont pas reçu de réponse définitive.
Cette entité recouvre en fait probablement différentes causes, sans qu'elles soient nécessairement indépendantes les unes des autres (1).
Sur le plan immunologique, de nombreuses anomalies ont été décrites sans qu'aucune ne soit actuellement caractéristique (2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9).
Nombre d'auteurs incriminent le rôle d'agents infectieux, virus notamment au moins comme agent déclenchant possible d'une partie des symptômes (10, 11, 12, 13).
Ces résultats sont pour l'instant fragiles, compte tenu de la diversité des anomalies décrites, des difficultés de dosage et des incertitudes qui entourent les médiateurs mis en cause (14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22).
Dans certaines pathologies liées à un état d'hyper réactivité de l'immunité, dont certaines sont bien connues comme, par exemple, la brucellose chronique afocale (23, 24), le tableau clinique réalise un syndrome d'hyper réactivité de l'organisme vis à vis des antigènes de brucelles, au premier rang duquel on retrouve un état de fatigue, parfois très invalidant, des algies musculaires et articulaires et des troubles neurovégétatifs variés qui perturbent considérablement l'existence et l'activité professionnelle.
Ceci est parfois à l'image de ce que l'on observe dans le syndrome de fatigue chronique.
Ceci est retrouvé de la même façon chez des patients hyper réactifs à certains antigènes de l'environnement comme les candidas (25) ou certains microbes, notamment les staphylocoques (26).
Ces patients présentent des réactions syndromiques à l'injection intradermique des antigènes en cause; il s'agit d'une réactivation ou d'une exacerbation des symptômes observés, faisant suspecter une anomalie de la sensibilité à ces antigènes.
Dans une étude récente chez les patients hyper réactifs à l'antigène candidosique, nous avons montré que les patients qui présentent une réaction syndromique à l'intradermoréaction (IDR) à cet antigène, possèdent un nombre anormalement élevé, dans le sang périphérique de lymphocytes T circulants activables par le même antigène. Ces lymphocytes T sont détectés, après 24 heures d'incubation, en cytométrie en flux par un marquage de l'antigène membranaire CD69 (27).
Nous avons ainsi pu constater chez un premier groupe de 44 patients venus à notre consultation avec un diagnostic initial de syndrome de fatigue chronique, qu'il semblait effectivement exister, pour pratiquement la moitié d'entre eux, une réactivité anormale aux antigènes staphylococciques et candidosiques avec réaction syndromique (27 cas/44) à la suite des tests cutanés et réponse confirmative en test d'activation lymphocytaire (24 cas/44) avec une corrélation très significative (28).
Une réactivité anormale à des antigènes de l'environnement pourrait-elle donc être incriminée chez certains de ces patients présentant un syndrome de fatigue chronique ?
Pour tenter de répondre à cette question, nous avons étudié sur une période de 6 mois, 1 série de 67 patients venus à la consultation de notre service avec un diagnostic initial de syndrome de fatigue chronique.

Matériels et méthode


Resultats



Discussion

L'analyse des différentes données cliniques met en avant la fatigue particulière et les douleurs alléguées par l'ensemble des personnes vues en consultation.

La recherche d'une réactivité cellulaire anormale dirigée contre l'un des antigènes habituels de l'environnement est apparue positive dans un nombre élevé des cas étudiés, pratiquement un cas sur deux.

La valeur diagnostique des tests utilisés, tant pour le test d'activation lymphocytaire que pour l'étude de la cinétique de la néoptérine urinaire, paraît très intéressante avec des pourcentages situés entre 88 et 95% pour la sensibilité, la spécificité et la valeur prédictive positive comme montré dans les tableaux 2 et 3.

Ceci rejoint l'estimation faite dans l'étude préliminaire où nous avions trouvé une réactivité anormale des cellules T vis à vis des antigènes microbiens staphylocoques notamment, et des levures du genre C.albicans dans pratiquement également la moitié des cas.

Le rapprochement de ces observations avec l'aspect bien connu des manifestations cliniques observées dans les états d'hypersensibilité cellulaire de type retardé pathologique comme les brucelloses chroniques afocales ou les staphylococcies ou candidoses chroniques, liées à un état d'hyper réactivité de l'immunité, pourrait faire évoquer une telle participation dans certains de ces syndromes dits de " fatigue chronique ".

Dans plusieurs de nos observations, nous avons pu constater l'existence de facteurs associés pouvant contribuer également à l'état de fatigue tout particulièrement marqué présenté par ces patients, comme un déficit en magnésium érythrocytaire ou des troubles variés du sommeil.

Conclusions

La recherche d'un état d'hyper réactivité cellulaire de type retardé pathologique pourrait faire partie du bilan réalisé devant tout patient présentant un syndrome de fatigue chronique.

L'intradermoréaction, associée à la réaction syndromique survenant dans les 6 à 48h suivantes, utilisant des antigènes habituels de l'environnement comme les levures de type C.albicans permet de mettre en évidence l'existence d'une réactivité anormale chez pratiquement la moitié des patients.

Ceci est conforté de façon très significative par la mesure en cytométrie en flux de l'activation des lymphocytes en présence de C.albicans utilisant les techniques de triple marquage CD3 CD4 CD69 et 25, et par le suivi de la cinétique urinaire de la néoptérine avant et après intradermoréaction.

L'activation cellulaire paraît d'autant plus marquée que l'IDR est plus importante.

Différents facteurs pouvant contribuer à l'état de fatigue ont été mis en évidence chez plusieurs patients, comme notamment les troubles du sommeil, sans qu'il soit évident d'établir pour l'instant, une relation de cause à effet dans un sens ou dans l'autre.

Cette étude va dans le sens d'une approche multi-factorielle des syndromes dits de " fatigue chronique ".

References

  1. Fukuda K, Strauss S, Hickie I, Sharpe M, Dobbins J, Komaroff A. The chronique fatigue syndrom : a comprehensive approach to its definition and study. Ann intern Med. 1994 : 121 :953-959.
  2. Caliguri M, Murray C, Buchwald D. Phenotypic and functional deficiency of natural killer cells in patients with chronic fatigue syndrome. J. Immunol, 1987, 139 : 33O3-3313.
  3. Landay A, Jessop C, Lennette E and Levy J. Chronic fatigue syndrome : Clinical condition associated with immune activation. Lancet, 1991, 338 : 707-712.
  4. Straus S, Fritz S, Dale J, Gould B and Strober W. Lymphocyte phenotype and function in the chronic fatigue syndrome. J.Clin. Immunol, 1993, 13 : 30-40.
  5. Vojdani A, Ghoneum M, Choppa P C, Magtoto L and Lapp W C. Elevated apoptotic cell population in patients with chronic fatigue syndrome : the pivotal role of protein kinase RNA. J. Intern Med 1997, 242 : 465-478.
  6. Caruso A, Licentiazi S, Corulli M, Canaris AD, de Francesco MA, Fiorentini S, Peroni L, Fallacara F, Dima F, Balsari A, and Turano A. Flow cytometric analysis of activation markers on stimulated T cells and their correlation with cell proliferation. Cytometry , 1997, 27: 71-76.
  7. Cebrian M, Yague E, Incon M, Lopez-Botet M, de Landazuri MO and Sanchez-Madrid F. Triggering of T cell proliferation through aim, an activation inducer molecule expressed on activated human lymphocytes. J. Exp Med, 1988, 168, 1621-1637.
  8. Maino VC, Suni AM, Ruitenberg J. Rapid-Flow Cytometric Method for Measuring Lymphocyte Subset Activation. Cytometry , 1995, 20, 127-133.
  9. Mardiney M, Brown M, Fleischer TA. Measurement of T-cells CD69 expression: a rapid and efficient means to asses mitogen-or antigen-induced proliferative capacity in normals. Cytometry, 1996, 26:305-310.
  10. Kibler R, Lucas D, Hicks M, Poulos B and Jones J. Immune function in chronic active Epstein -Barr virus infection. J.Clin. Invest, 1985, 5 : 46-54.
  11. Buchwald D, Cheney P R, Peterson D L et al. A chronic illness characterised by fatigue, neurologic and immunologic disorders, and active human herpes type 6 infection. Ann. Int. Med, 1992, 116 : 103-113.
  12. Wessely S, Chalder T, Hirsch S, Pawlikowska T, Wallace P, and Wright D. Post infectious fatigue : a prospective study in primary care. Lancet, 1995, 345 :1333-1338.
  13. Wessely S. The epidemiology of chronique fatigue syndrom. Epidemiol Rev. 1995 : 17 : 139-151.
  14. Klimas N, Salvato F, Morgan R and Flechter M. Immunologic abnormalities in chronic fatigue syndrome. J.Clin. Microbiol, 1990, 28 : 1403-1410.
  15. Tirelli U, Marotts G, Improta S and Pinto A. Immunological abnormalities in patients with chronic fatigue syndrome. Scand. J. Immunol, 1994, 40 : 601-608.
  16. Swannick C M, Vercoulen J H, Galama J M, Roos M T, Meyaard L, van der Ven-Jongerkrijg J et al. Lymphocyte subsets, apoptosis and cytokines in patients with chronic fatigue syndrome. J. Infect. Dis, 1996, 173 : 460-463.
  17. Mawle A C, Nisenbaum R, Dobbins J G, Gary H E Jr, Stewart J A, Reyes M et al. Immune reponses associated with chronic fatigue syndrom : A case-control study. J.Infect.Dis, 1997, 175 : 136-141.
  18. Dutra WO, Martins-Filho OA, Cancado J R, Pinto-Dias J C, Brener Z, Gazzinelli G et al. Chagasic Patients lack CD28 expression of many of their circulating T lymphocytes. Scand. J. Immunol, 1996, 43 : 88-93.
  19. Visser J, Blauw B, Hinloopen B, Brommer E, Ronald de Kloet E, Kluft C and Nagelkerken L. CD4 T lymphocytes from patients with chronic fatigue syndrome have decreased interferon gamma production and increased sensitivy to dexamethasone. J. Infect. Dis 1998, 177 : 451-4.
  20. de Meirleir K, Bisbal C, Campine I, de Becker P, Salehzada T, Demettre E, Lebleu B. A 37kDa 2-5A binding protein as a potential biochemical marker for chronic fatigue syndrome. The American Journal of Medicine 2000, 1O8.
  21. Hassan S, Bannister BA, Akbar A, Weir W, and Bofill M. A. Study of the immunology of the Chronic Fatigue Syndrome : correlation of immunologic parameters to headline dysfonction. Clinical Immunology and Immunopathology, 1998, 1 : 60-67.
  22. Suhadolnik RJ, Peterson DL, O'Brien K, Cheney PR, Herst CVT, Reichenbach NL, Kon N, Horvath SE, Iacono KT, Adelson ME, de Meirleir K, de Becker P, Charubala R and Pfleiderer W. Biochemical evidence for a novel low molecular wheight 2-5A-dependent RNase in chronic fatigue syndrome. J. of Interferon and Cytokine Research, 1997, 17 : 377-385.
  23. Bertrand A. Expressions cliniques et biologiques de la brucellose humaine. Place actuelle de l'immunothérapie. J de Médecine de Lyon, 1981, 62 : 327-335.
  24. Bertrand A, Janbon F, Jourdan J, Lepeu G. L'immunothérapie de la brucellose chronique afocale. Médecine et Maladies Infectieuses, 1982, 12 : 610-613.
  25. Brunet JL, Peyramond D et Cozon GJN. Diagnostic de l'hypersensibilité de type retardé normale et anormale à Candida albicans. Intérêt de l'évaluation de l'activation lymphocytaire en cytométrie en flux. All & Immunologie, 2001, 3: 115-119.
  26. Anderson M, Bagby JR, Dyrehag L, Gottfries C. Effects of staphylococcus toxoid vaccine on pain and fatigue in patients with fibromyalgia/chronic fatigue syndrome. Eur J Pain 1998 ; 2(2) :133-142.
  27. Cozon GJN, Brunet JL, Peyramond D. Detection of specific T lymphocytes in systemic abnormal delayed type hypersensitivity to Candida albicans. Inflammation Research 49, Supplément 1(2000) S39-S40.
  28. Brunet JL, Perret Liaudet A, Later R, Peyramond D, and Cozon GJN. Delayed-type Hypersensitivity and Chronic Fatigue Syndrome. The Usefulness of Assessing T-cell Activation by Flow Cytometry. Preliminary study. All & Immunologie, 2001, 5: 166-172.
  29. Wachter H, Fuchs D, Hausen A, Reibnegger G, Werner ER. Neopterin as a marker for activation of cellular immunity : immunologic basis and clinical application. Advances in Clinical Chemistry, Academic Press Inc., 1989, 27 : 81-141
  30. Lezin A, Buart S, Smadja D, Akaoka H, Bourdonné O, Perret-Liaudet A, Césaire R, Belin MF, Giraudon P. Tissue inhibitor of metalloprotease 3, matrix metalloprotease 9, and neopterin in the cerebrospinal fluid : preferential presence in HTLV type 1-infected neurologic patients versus healthy virus carriers. Aids Research and Human Retroviruses, 2000, 16, 10 : 965-972.